Ma démarche artistique ressemble beaucoup à une démarche scientifique. Je commence avec une hypothèse, je recueille des échantillons que j’interprète et que j’assemble afin de vérifier mon intuition de départ.
Pour Échos, j’avais une triple hypothèse :
Ma cueillette de matériau a commencé avec le tournage des deux premiers épisodes de la mini-série. Lors de notre tournage à Rimouski, une sortie en mer nous a permis de recueillir plusieurs relevés de données au fond du fleuve, à une profondeur entre 2 et 5 mètres. Je dis nous, parce que c’est un travail d’équipe! Julie Pelletier, la directrice photo, Guillaume Lévesque, le preneur de son et Catherine Breton, l’assistante à la production/réalisation ont été mes complices sur le bord du fleuve!
Lors de 3 jours de tournage, non seulement nous sommes sortis en mer et nous avons réalisé les entrevues avec Coralie Monpert, la consultante scientifique, mais nous avons aussi tourné beaucoup d’images et de sons en bord de mer. À l’affût de la lumière, des paysages sonores, des variations de la couleur de l’eau et de la texture des bruits ambiants, nous avons recueilli tout un album de « matière première » avec laquelle monter un film!
En tout, près de 125 fichiers sonores et plus de 200 fichiers vidéo à explorer, analyser, pour composer un film de 10 minutes! En fait, je n’ai pas calculé la durée totale de ces fichiers… mais j’avais une bonne palette de couleurs à ma disposition.
La période de création musicale a culminé par l’enregistrement de la trame sonore à la cathédrale Holy Trinity à Québec. L’acoustique de ce lieu est magnifique. Pierre-Olivier a mené l’enregistrement de la musique de main de maître.
J’avais enfin en main tout le matériau nécessaire pour monter le film! Pour moi, l’écriture véritable au cinéma se produit dans la salle de montage, à partir de tout ce qui a été capté lors des différents moments de tournage.
En premier lieu, j’ai installé la piste musicale sur ma ligne du temps. Je me suis basée sur la musique pour organiser les images. Je voulais une relation étroite entre l’univers sous-marin évoqué par la musique et les images prises en majeure partie à la surface, en bord de mer. J’ai commencé par monter la partie des rochers, puis la partie du sable, qui étaient les plus «évidentes », et dont j’aimais beaucoup les images et l’énergie. Puis j’ai construit peu à peu le reste de la trame.
Mon premier montage comportait uniquement les images magnifiques du fleuve. J’y étais très attachée et je ne voulais pas les détruire ou les détourner complètement. Pour moi, ce projet parle de l’amour profond que j’ai pour notre cours d’eau, au coeur de mes origines, de mon identité culturelle. Alors ça m’a pris du temps avant de trouver la bonne manière d’intervenir dans les images sans leur enlever leur force, mais pour au contraire ajouter des sens, des émotions. De la même manière, j’ai eu de la difficulté à me détacher suffisamment de la trame musicale pour pouvoir y intégrer ma propre palette de sons et donner à entendre mon interprétation, ma perception en travaillant à partir des sons recueillis sur le terrain.
Le processus de création des animations a été assez long, ce qui m’a donné le temps de recul nécessaire pour ajouter cette couche supplémentaire qui donne tout le sens expérimental au projet. L’idée de déborder du cadre est arrivée en milieu de projet. Je voulais trouver une façon d’intégrer le relevé scientifique réel à l’image, afin que le spectateur ait accès à la source des images et de la musique, même de manière détournée. Faire défiler le relevé en bas de l’image, en noir et blanc, a ouvert la porte à d’autres interventions hors cadre. La représentation numérique du son interrompt la fluidité des images; par moments, elle devient même envahissante… Un peu comme ces technologies numériques avec lesquelles nous interprétons et commentons le monde, qui se superposent à la réalité et en modifient notre perception.
J’ai ensuite intégré les sons enregistrés sur le terrain à la trame, puis une période d’allers-retours entre les images et les sons s’est installée, pendant laquelle je travaillais des sons, que j’allais transformer en images pour venir les intégrer dans le projet. Plusieurs essais et erreurs, surtout dans le quatrième « mouvement », juste avant la plongée dans l’eau, ont été nécessaires avant de trouver un équilibre entre l’abstraction des images filmées et l’abstraction des animations, dans ce moment où la musique est à sa plus forte intensité dramatique.
Après avoir bloqué le montage image et son, j’ai préparé mes pistes pour les exporter pour le mixage sonore et la colorisation, deux étapes clés en postproduction.
Tout au long du projet, j’ai pris des notes dans des petits carnets. Voici les notes prises après la première version du mixage sonore de transpositions de signal. La deuxième page de notes comporte aussi des aide-mémoire sur les animations : l’espace disque devenant problématique, j’ai dû effacer plusieurs versions des images animées, ainsi que des fichiers sources de ces images. Pour être certaine de ne pas effacer les fichiers utilisés dans le film, je me suis fait une petite liste.